Ça n’aura pas pris longtemps; mon père est mort.
Je ne suis pas sûr que j’aurais eu le temps d’arriver pour le voir avant qu’il meure, mais je suppose que c’est l’intention qui compte.
Mon père était raisonnablement intelligent, il avait vraiment une bonne tête (de quoi faire de bonnes études et une excellente carrière), mais il est né dans un environnement familial catastrophique qui a tout simplement ruiné sa vie, à mon humble opinion. Il a vraiment bien géré, s’en est bien sorti finalement, tout bien considéré (quand on voit ce qu’est devenu le reste de sa famille, qui par extension est la mienne aussi). Ça aurait pu être parfait peut-être, si il ne s’était pas marié avec ma mère. Il a failli en mourir quelques fois, mais c’est surtout d’avoir perdu ses enfants qui lui a sans doute coûté le plus cher, car il adorait ses enfants. Mais on n’était pas sa priorité numéro un, sa femme l’était. C’est un concept probablement louable, ou au moins même si c’est discutable, c’est compréhensible. Cependant, sur des décisions importantes comme ça, il y a des conséquences dans un sens ou dans l’autre. Il a fait son choix. J’ai fait le mien.
J’ai détesté mon enfance et même si c’est sans doute pas intégralement la faute de mes parents (psychologiquement parlant, j’ai jamais été un modèle de stabilité), forcement ils ont une lourde responsabilité.
Enfin, les mots sont graves mais non, tout ça n’est plus bien grave (c’est pour ça que j’en parle maintenant), ma vie est globalement derrière moi, je n’en ai plus pour longtemps et tous ces souvenirs se perdront rapidement dans l’oubli.
Juste deux, trois trucs à son sujet:
Originaire du Havre. Il fumait depuis l’age de… 13 ans? Deux paquets par jour jusqu’à 40 ans je crois, puis il a fumé beaucoup moins car c’était devenu dangereux (pas le cancer ou autre non… ma mère avait commencé à le menacer sévèrement à ce sujet, donc voila, c’était dangereux).
Il avait pris sa famille (parents, frère, sœur) en charge financièrement à 15 ans, en commençant à travailler comme guichetier à l’accueil dans les bureaux locaux de la sécurité sociale. Ils vivaient à 5 avec son salaire de guichetier, alors qu’il avait 15 ans.
Il a donc arrêté l’école après le collège. Il avait les capacités pour aller jusqu’au doctorat si son environnement familial/social avait été meilleur, je n’ai aucun doute là-dessus.
Il jouait bien du piano et avec des potes avait monté un groupe un peu plus tard et donc il jouait le soir pour avoir un peu plus de revenus. Il ne dormait pas beaucoup.
La secu s’est vite aperçue qu’il n’était pas con. Il est rapidement devenu ingénieur informaticien (à une époque où les PC n’existaient pas encore évidemment) et est devenu cadre avec un salaire énormissime pour le village où on habitait (faible dans l’absolu mais bien supérieur à la moyenne). Sa carrière interne s’est arrêtée après être devenu cadre, car vous savez, à ce niveau la politique interne commence à devenir importante, mais il détestait ça. Forcement, ça s’est pas bien passé avec les élites, et il est resté cadre informaticien les 20-25 dernières années de carrière dans le même bureau à faire le même boulot pour le même salaire. Il est resté à la secu toute sa vie professionnelle, soit environ 42-43 ans. Il est parti en retraite anticipée vers ses 57-58 ans.
Il détestait les flics, les militaires, les politiques, les castes, etc… Vous voyez de qui je tiens mdr.
Il adorait les steak frites. Il détestait le travail, surtout le sien. Il ne s’énervait pratiquement jamais. Je crois qu’il ne nous a jamais tapé, moi et mon frère (mais il laissait sa femme faire, hein), et il s’en ai pris plein la gueule de ma mère psychotique. Il n’aimait pas la violence ou l’injustice. Il détestait l’élitisme. Il détestait la criminalité, surtout la petite criminalité (les cons qui te font chier dans la rue sans raison). Il se moquait des cons en permanence (il y a de quoi faire). Il ne savait pas cuisiner et n’a jamais fait d’effort en ce sens. Il adorait les blagues et l’humour, genre Bedos, Coluche ou les autres. Il adorait la période des années 60 et 70, musique/culture etc. Tout ce qui est venu après, il aimait pas et il aimait le dire et le faire ressentir. Il détestait l’anglais aussi (il adorait le français), même si il se débrouillait pas mal. Il était quelqu’un de bien globalement! (il n’y a pas besoin de faire de comparaisons, mais je trouve qu’il était mieux que moi dans ses opinions et ses relations avec la société. J’espère avoir été mieux que lui dans ma relation avec mes enfants, mais honnêtement je suis pas sûr… il faudra demander à mes enfants dans le futur)
Je le remercie pour tout ce qu’il a fait pour moi, et il en a fait beaucoup évidemment. Ça s’est pas bien fini, mais on a aussi passé des bons moments.
