Ça devait bien arriver. J’ai coupé les ponts avec mes parents en Juin dernier. Chose merveilleuse, ils n’ont pas essayé de me contacter. Ils sont là, dans mon carnet d’adresse sur mon smartphone, je les ai pas encore bloqués ou effacé, j’attends qu’ils me contactent pour me traiter de tous les noms d’oiseaux possibles pour bien m’énerver, et alors sans répondre, je les enverrai dans les limbes d’internet.
Mon père vient d’avoir 80 ans, ma mère prend 78 dans quelques jours. La santé est défaillante, surtout psychologique. Mon père est carrément hors du monde et n’avait plus toute sa raison en juin dernier. Ils n’ont pas d’amis bien qu’apparemment ils en voulaient, ils sont seuls, tristes, ont peur de la mort, passent leurs journées à ne rien faire sauf à réminiscer leur passé pas vraiment enviable. Triste fin pour de tristes personnages.
Je leur en veux un peu de m’avoir torturé pendant ma jeunesse. La violence domestique ruine la vie des enfants, présente et future. J’ai de grosses séquelles psychologiques de ce qu’ils m’ont fait. Heureusement pour moi, j’ai un bon cerveau et j’ai eu une bonne éducation; j’ai conscience de ce qui m’a été fait et je peux temporiser et comprendre en bonne partie ce qui se passe dans ma tête. Mêlé à ma condition psychiatrique, des fois c’est pas facile, mais globalement je m’en sors. J’ai une vie normale, quoique bien rythmée par de grosses emmerdes et gros succès.
Je leur en veux mais j’avais globalement pardonné. Avec leur vie précédent ma naissance, c’était un peu compréhensible. Torturer des enfants n’est pas naturel, il y a forcément un passif. Le leur était évident. Pour info, c’est ma mère qui nous torturait. Mon père laissait faire; émotionnellement parlant, c’était un vrai fantôme.
(Photo: le fameux “chat à neuf queues”. Tendre appellation. Fut interdit en France au milieu des années 80. Ils s’en sont pas servis souvent, mais la menace était omni-présente, et ils l’avaient souvent à la main.)
J’avais pardonné… Mais arrivé à 50 ans, j’ai juste décidé que bah, bon, on allait peut-être arrêter d’accepter les constantes réprimandes, critiques, engueulades, rabaissements, etc. Il y a eu une période dans le passé où leur comportement s’est un peu amélioré, mais ces dernières années, les conversations devenaient absolument dignes de la 5e dimension. Exemple:
Moi: Allo
Mère: Allo. Qu’est-ce que t’as?
Moi: Umh? Comment ça? J’ai rien.
Mère: Mais t’as vu comment tu me parles?
Moi: Hein? J’ai juste dit “allo”?
Mère: Nan mais t’essaies encore de me mentir? Je suis ta mère, tu sais que tu dois me respecter?
Moi: J’ai juste dit “allo”. Pourquoi tu m’agresses? Et respect, euh… tu sais que je suis ton enfant et que tu pourrais être gentille avec moi?
Mère :Je te dois rien. Tu me dois la vie. Tu sais tout ce qu’on a fait pour toi? Tu valais rien, tu nous dois tout. T’as 50 ans mais tu reconnais toujours pas qu’on a toujours été supérieurs à toi.
Moi: euh… Ah bon.
Mère: Bon bref. Alors tu deviens quoi? Tu vas te saouler la gueule tous les soirs? T’es une épave, en fait.
Moi: euh… Tu pourrais arrêter de parler comme ça stp? Etre un peu plus positive, je sais pas, t’as vraiment pas besoin d’être désagréable avec moi…
Mère: Je fais et dis ce que je veux! Pour qui tu te prends? Avec tout ce qu’on a fait pour vous, ça m’énerve de te voir ruiner ta vie et d’être toujours le sale petit con que t’as toujours été.
Vous voyez le genre? Toutes les 2 semaines, les 10 dernières années. C’était bien pire quand j’étais gamin, et valait mieux pas qu’on ouvre la bouche pour répondre. La rébellion était globalement impossible… elle nous aurait tués. Je plaisante pas. Mon père a failli y passer quelque fois.
Ma mère est diplômée de l’école primaire. Savait à peine lire et écrire. A vécu dans un pays en guerre de 0 à 16 ans (à la mer ils nageait avec les cadavres). Immigrés en France métropolitaine d’urgence, sans argent sans possessions sans rien. Bipolaire, diagnostiquée tardivement (après que notre éducation fut finie). Famille nombreuse. Mère fantôme. Père pas complètement stupide (pompier) mais totalement abusif, violent et frappadingue. Famille raciste, anti-sémite, détestant les homosexuels et autres déviations sexuelles par rapport au modèle traditionnel.
Bref. Tableau grotesque. La famille de mon père était dans la même veine, sacré tableau aussi, quoique différent dans le grotesque.
Quand je raconte aux personnes proches quelques épisodes de ma vie d’enfant, on me croit pas. On me dit “c’est pas possible”. Ouais ben… en fait, si.
J’ai bien essayé de rester stoïque, d’être patient, de supporter et d’encaisser. J’avais pas envie d’aller en guerre avec eux, j’y aurais rien gagné. Mais se faire insulter en permanence… T’appelles, tu te demandes ce que tu vas te prendre encore, et ils te décrochent la tête à chaque fois, sans aucune logique, ils disent des trucs sans aucun sens, tu peux tout essayer pour leur faire comprendre mais rien ne passe, ils continuent de critiquer avec une haine débordante qui dépasse tout ce que tu peux imaginer.
Et donc, en juin dernier, j’ai dit au revoir et ai décidé que j’allais finir ma vie sans eux à partir de maintenant. Quelques années tranquilles. Je crois que j’irai même pas à leur enterrement.
